Juliette Mangenot s’intéresse au lien existentiel à l’autre et au monde. Elle questionne la dépendance affective et la peur de l’abandon. Ce lien fluctuant est incarné par des personnages dont l’apparence corporelle prend la forme de l’intériorité. Ses formes, en tension, fusionnent et se séparent en écho au lien originel à la mère, rompu à la naissance.

Son approche formelle s’inscrit dans la lignée du concept de fragmentation du corps, instiguée par Rodin dans la figuration désidéalisée et prolongée par Arp dans l’abstraction organique. Ces deux artistes expriment la réalité de l’âme humaine à travers le corps. La démarche de Juliette Mangenot est identique : le corps dénaturé est l’incarnation authentique de l’intériorité. Il se singularise par la thématique récurrente du lien affectif entre deux êtres, dans sa rupture ou son état de fusion.

Pluridisciplinaire elle s’exprime en dessin, gravure et en sculpture, prolongement tridimensionnel du trait gravé au burin. Son processus de création est guidé par l’inconscient. Sans image mentale préalable, les mains modèlent la forme de façon intuitive. Les matières choisies sont nues, sans artifice ni couleurs autres que le blanc, le noir et les nuances de gris qui les relient.

Le spectateur est invité à faire l’expérience de sa propre intériorité en s’interrogeant sur ce qui le relie à l’autre et au monde.

Le besoin de créer s’est toujours imposé comme une évidence. Initiée dès l’enfance au dessin et à la poterie au sein d’un atelier de quartier, elle intègre à 15 ans l’atelier de sculpture en céramique dirigé par Hans Marks à Neuilly.

Après 5 années d’étude à Penninghen elle obtient son diplôme en 2000, mais reste sur sa faim artistique qu’elle assouvira en parallèle de son métier de graphiste. Motivée par ce besoin de créer elle quitte le salariat et devient free lance en 2006 pour développer son activité artistique. Initiée à la gravure lors d’un séjour Erasmus en Norvège, au National College of Art d’Oslo, elle rejoint en 2002 l’atelier de gravure des Arquebusiers, dirigé par Mireille Baltar où a lieu sa première exposition personnelle en 2004. Elle y explore pendant dix ans les différentes techniques de la taille douce : aquatinte, eau forte, pointe sèche, puis burin qui deviendra son outil de prédilection. En 2002, elle présente un recueil d’aquatintes sur le thème de la violence du sentiment, associant des corps et visages défigurés aux vers de Verlaine et Baudelaire et remporte le prix Reynal “Bourse pour un graveur” de la Fondation de France. Cette bourse lui permet en 2004 de séjourner à l’Ecole Internationale de Graphisme de Venise pour apprendre la gravure sur carton. En 2005, sa série de pointes sèches sur le thème de l’apesanteur est sélectionnée par le musée de Saint Maur, à l’occasion de la Biennale de l’Estampe. On y retrouve des personnages flottant dans les airs et interagissant les uns avec les autres. En 2009 son travail est à nouveau récompensé par le prix “Graver maintenant” lors du Salon de l’estampe à Rueil-Malmaison. En 2010 elle participe à l’exposition collective des 6 précédents lauréats à l’Ermitage de Rueil-Malmaison, avec une série d’eaux fortes sur le thème des liens familiaux. Cette même année, elle expose une série d’estampes inspirée des portraits de femmes du photographe Mama Casset à la galerie Branca à Genève. Elle participe à la nuit de l’estampe place Saint-Sulpice à trois reprises. Spécialiste du burin, elle rencontre Nathalie Grall en 2013 et échange avec elle lors d’un stage de quelques jours à Lille. Elle intègre l’atelier Bo Halbirk en 2014 où elle perfectionne sa pratique du burin. Sa rencontre avec Cécile Reims, l’encourage dans cette voie. Elle expose en 2015 à l’occasion de la 15e biennale internationale de gravure à Conflans-Sainte-Honorine. En 2016, la galerie Prodromus lui propose une exposition avec quatre autres artistes. En 2017 elle participe à une exposition collective avec 10 artistes de l’atelier, à Thisted au Danemark et à Hollerich Luxembourg en 2018.

Souhaitant aller plus loin dans le travail du métal et lui donner une nouvelle dimension, elle fait une formation en bijouterie à l’école Boule en 2018. Elle s’intéresse particulièrement à la technique de la cire qu’elle approfondit dans par une formation supplémentaire la même année au même endroit. Enthousiasmée par ce retour à la matière, elle en ressent rapidement les limites liées au format miniature. L’appel de la sculpture surgit alors comme une évidence pour donner libre cours à sa créativité. 

Forte de cette conviction, elle rejoint l’atelier collectif Clay en 2019. Redécouvrant l’espace puissant de liberté qu’offre la sculpture, véritable aboutissement de ses années de gravures, en 2020 elle ouvre son propre atelier collectif à Neuilly. Cette expérience est enrichissante mais la gestion du collectif s’avère incompatible avec la tranquillité d’esprit nécessaire à la création. En 2022 elle s’installe seule dans son atelier rue Oberkampf.

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